N° 2 - Marzo 2003 - Memorie

Constantinos G. Pitsakis

Université Démocrite de Thrace - Komotini

 

 

Un thème marginal du culte de

Saint Constantin dans l'Eglise d'Orient:

Saints Constantin et Hélène,

protecteurs de la famille

 

 

 

Il y a quelques semaines, au cours d'un congrès tenu à l'Université de Varna, en Bulgarie, au sujet de l'histoire et des transformations modernes du droit de famille, notre ami le Prof. Ivan Biliarsky, en traitant son sujet: «The Sacrament of Marriage in the Christian Community. Notes on the Nature and the Ritual of the Christian Marriage», a signalé, en passant, le caractère profondement «impérial» du rituel nuptial dans l'Eglise d'Orient.

La célébration du mariage dans l'Eglise d'Orient a connu trois phases historiques, qui se sont succédé: a) célébration du mariage au cours de la liturgie eucharistique, dans une «messe nuptiale» dont la bénédiction nuptiale constitue une partie intégrante les nouveaux mariés reçoivent l'eucharistie au cours de la communion à la fin de la messe. b) célébration du mariage indépendamment de la liturgie eucharistique, au cours d'une sorte de "messe des présanctifiés" privée; les nouveaux mariés reçoivent en communion des espèces eucharistiques présanctifiées[1]. c) la bénédiction nuptiale est complètement dissociée de l'eucharistie: célébration du mariage au cours d'une cérémonie nuptiale ad hoc, sans caractère eucharistique; les nouveaux mariés ne communient pas, mais ils reçoivent de simple vin béni, d'un calice commun, symbole désormais de leur unité spirituelle et physique et réminiscence de l'ancienne communion eucharistique. Ce dernier rituel fut créé (ou, au moins, définitivement instauré) lorsque la bénédiction religieuse s'est établie en Orient comme la seule forme possible de contracter un légitime mariage (Novelle 89 de l'empereur Léon VI), et par conséquent la célébration religieuse du mariage, devenue obligatoire, ne présupposait plus nécessairement la piété personnelle des mariés, donc leur participation sincère et consciente à l'eucharistie. Ce rituel est aujourd'hui est pratiquement le seul à observer. Mais chaque phase de cette évolution historique, y compris la dernière, n'a pas fait complètement disparaître les pratiques plus anciennes; qui plus est chaque phase a conservé certains éléments des phases antérieures. La célébration nuptiale non-eucharistique d'aujourd'hui est un peu calquée sur la liturgie eucharistiques, dont elle conserve encore certains éléments et surtout la structure générale - donc un souvenir, ne fût-ce qu'assez vague, de ses origines eucharistiques.

 

Or, dans tous ces cas, le caractère "impérial" de la célébration nuptiale est très évident.

a) Le point le plus solennel, le point essentiel même, de la célébration nuptiale c'est précisément le "couronnement" quasi impérial (ou quasi royal) du jeune couple. Le nom même de la cérémonie, dans les livres liturgiques et dans le langage courant c'est "le couronnement" (stephanôma, stepsis): 'Akoulouq…a toà stefanèmatoj ("Officium coronationis nuptiarum")[2]; dans le langage perlé les verbes “couronner”(stefanènw, stefanèmai) sont les synonymes courants de “marier, se marier”. Si dans la pratique grecque moderne et actuelle ce couronnement est fait ordinairement par des couronnes de fleurs (ou des couronnes qui imitent des fleur de citronnier), dans la pratique grecque byzantine et post-byzantine le couronnement se faisait par de- véritables couronnes quasi royales ou impériales; c'est toujours la pratique courante dans le Eglises orthodoxes slaves.

La formule du sacrement de mariage est justement: Stšfetai Ð doàloj toà qeoà Ð de‹na t»n doàlhn toà qeoà t»nde (et: Stšfetai º doàlh toà qeoà ¹ de‹na tÕn doàlon toà qeoà tÕnde) e‹j tÕ ×noma toà PatrÕj kaˆ toà Uƒou kaˆ toà 'Ag…ou PneÚmatoj. Coronatur seuus Dei N. propter ancillam Dei N. (et: Coronatur ancilla Dei N. propter sevum Dei N.) in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti[3]. Le mariage est un couronnement.

b) Cet élément, à savoir le caractère du mariage en tant que couronnement", est souligné continuellement dans les prières de la bénédiction nuptiale: on cite l'exemple des Quarante Martyrs de Sébaste (320; fête le 9 mars) «qui ont reçu des couronnes d'en haut» (katapšmyaj aàto‹j oÙranÒqen toÝj stef£nouj, caelitus eis coronis demissis)[4]; Dieu «a orné la couronne de tout ce qu'il acréé» (Ð kosm»saj tÕn stef£non p£ntwn tîn pepoihmš non ØpÕ soà, qui omnium a te productorum adornasti coronam)[5]; on prie: stef£nwson aÙtoÝj e„j s£rka m…an (corona illos in carnem unam)[6] ; ¢n£labe toÝj stef£nouj aÙtîn e„j t¾n basile…an sou ¢sp…louj kaˆ ¢mènouj kaˆ ¢nepibouleÚtoj diathrîn e„j toÝj a„înaj tîn a„înwn (coronas eorum in regno tuo illibatas et immaculats assume et insidiis libras eas conserva, in saecula saeculorum)[7]. Parfois il y a, avant le couronnement, une prière particulière pour la bénédiction des couronnes, par l'opération du Saint-Esprit: 'Uper toà eÙlogeqÁnai t£ stšfana taàta tÍ din£mei, tÍ ™pifoit»sei kaˆ tÍ ™nerg…v toà 'Agiou PneÚmatoj. Ut benedicantur coronae istae virtute, adventu et et operatione sancti Spiritus[8]. Un rituel spécial est prévu pour l'enlèvement des couronnes (après huit jours!): eÙc¾ e‹j lÚsin stšfanwn tÍ ÑgdÒV ¹mšrv Oratio cum solvuntur coronae octava die[9].

c) Immédiatement après le "couronement" des mariés on chante un vers emprunté au Psaume 8.6 "Tu le couronnes de gloire et d'honneur", mis à l'impératif et au pluriel: "Dieu notre Seigneur, couronne-les do gloire et d'honneur": (KÚrie Ð qeÕj ¹mîn, dÒxV kaˆ timÍ stšfanoson aÙtoÝj. Domine Deus noster, gloria et honore corona illos)[10]. On a mis aussi au pluriel les vers psalmiques (prokeimenon) qui précèdent le lectures (Éphes. 5.20-33; Jean 2.1-11), empruntés au Psaume "royal" 21 (20).4-5 («Tu as mis sur sa tête une couronne d'or fin; tu lui as accordé la vie qu'il demandait, longueur de jours, encore et à jamais»), précisément un psaume de la "liturgie de couronnement" d'après la Bible de Jérusalem: «Tu as mis sur leur tête des couronnes de pierres précieuses»; «Tu leur as accordé la vie qu'ils demandaient» /Eqhkaj ™pˆ t¾n kefal¾n aÙtîn stef£nouj ™k l…qwn t…m…wn. Zw¾n ÆtesantÕ se kaˆ Ÿdoxaj aÙto‹j. Posuisti super caput ipsorum coronas de lapidibus pretiosis. Vitam petierunt a te et dedisti eis)[11]. Or, dans vieux rituels nuptiaux, ce psaume "royal" par excellence («En ta force, Seigneur, le roi se réjouit; combien ton salut le comble d'allégresse! Tu lui as accorde le désir de son cœur, tu n'as point refusé le souhait de ses lèvres») est récité dans son entier avant le rite du couronnement des mariés[12]. Il en va de même pour- le Psaume 8, dont nous avons vu l'emploi du verset 6 dans la cérémonie actuelle («Tu le couronnes de gloire et d'honneur»): ce psaume aussi est parfois récité en entier dans l'ancien rituel[13] .

 

d) Dans de vieux rituels nuptiaux on rencontre parfois un rite "royal" ou "impérial" de plus: le rite de l'épée de l'époux. Le prêtre fait coindre une épée à l'époux[14], en récitant un autre psaume "royal", le Psaume 45 (44), précisément un "Epithalame royal", comme le veut La Bible de Jérusalem: «Ceins ton épée sur ta cuisse, vaillant, dans le faste et l’éclat, va, chevauche, pour la cause de la vérité, de la piété, de la justice, tends la corde sur l'arc, il rend terrible ta droite! Tes flèches sont aiguës, voici les peuples sous toi, ils perdent cœur, les ennemis du roi. Ton trône est de Dieu pour toujours et à jamais! Sceptre de droiture, le sceptre de ton règne! Tu aimes la justice, tu hais l'impiété, C'est pourquoi Dieu, ton Dieu, t'a donne l'onction d'une huile d'allégresse comme à nul de tes rivaux...»[15]. Ce vieux rituel a survécu jusque presque à nos jours chez les populations grecques orthodoxes du Pont-Euxin[16].

e) L'usage de couronnes, au cours de la cérémonie nuptiale, est connu aussi dans l'église arménienne. Qui plus est, selon la coutume arménienne, le jeune mari est appelé pendant les huit jours qui sui vent le mariage takhavor, le roi[17]. Dans les chansons populaires grecs de mariage le mari et son épouse sont souvent appelés basilias = basileus et basilissa[18].

Les liturgistes ne sont pas d'accord quant à l'interprétation historique de ce caractère fortement "impérial" de la célébration nuptiale. Selon les uns, il s'agirait d'un calque de la véritable cérémonie des noces impériales: le rituel prévu pour le mariage de l'empereur se serait graduellement étendu à tous les citoyens de l'Empire. C'est, semble-t-il, l'opinion dominante[19], fondée sur plusieurs indices. Dans un bon nombre de manuscrits ce rituel est intitulé: «Rituel à observer pour les noces de l'empereur et des autres gens» (T£xij ginomšne ™pˆ mn»stroij basilšwj kaˆ loipîn ¢nqrèpwn)[20]. D'autres opteraient pour un rapprochement avec le rituel du couronnement impérial, ordinairement accompagné d'un couronnement de l'impératrice, l'Augusta - bien que dans le rituel du mariage les deux époux aient, par contre, un rôle égal et que leur couronnement soit exactement de la même nature.

 

On a proposé une interprétation théologique: le jeune couple entre, par le mariage, en possession de la nature et du monde entier, sur lequel il exerce un véritable imperium, qui est précisément lié à sa mission de faire étendre le genre humain, selon le précepte divin "Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre"(Gen. l. 28)[21]. C'est justement le sujet de ce Psaume 8, que nous avons rencontré, récité en entier ou par des versets isolés dans la cérémonie nuptiale: "Qu'est donc le mortel que tu t'en souviennes, le fils d'Adam que tu le veuilles visiter? A peine le fis-tu moindre qu'un dieu; tu le couronnes de gloire et de beauté, pour qu'il domine sur 1'oeuvre de tes mains; tout fut mis par toi sous ses pieds: brebis et bœufs, tous ensemble, et même les bêtes des champs, l'oiseau du ciel et les poissons de la mer, quand il va par les sentiers des mers".

En tout état de cause, il s'agit d'un imperium. En termes de droit public et d'idéologie politique romains, le rapprochement du rite byzantin de mariage avec le cérémonial proprement impérial (qu'il s'agisse du rite de couronnement impérial ou des noces impériales) pourrait refléter un élément fondamental, qui subsiste. ne fût ce que sous une forme sous-jacente, tout le long de l'histoire institutionnelle de Byzance. à la fois le caractère "démocratique" du pouvoir impérial ou, vice-versa, la notion de l'imperium, de la souveraineté suprême, qui réside essentiellement dans le peuple romain, dont le noyau est la familia romaine, même cette familia transformée maintenant en famille chrétienne byzantine[22]. Les citoyens romains, que sont toujours les Byzantins, malgré tout l'absolutisme du pouvoir, qui en a fait en réalité de simples sujets, partagent donc institutionnellement cet imperium.

En effet, on connaît bien que, nonobstant l'existence d'un rituel byzantin de culte"impérial", d’"adoration impériale" ou de "liturgie du palais" d'origine hellénistique et orientale – ce sont des termes employés par le byzantiniste français Louis Bréhier[23] –, sur le plan juridique la res publica romaine se continue, théoriquement sans interruption. Si dans l'idéologie politique byzantine, ce qu'on a appelé "la théologie impériale", l'Empire est l'image terrestre, la seule image possible, du Royaume de Dieu, destinée donc comme telle à l'universalité et, pour ce qui est de ce monde, à 'éternité, sur le plan "constitutionnel" l'Empire "n'est pas une théocratie mais une institution ou moins depuis humaine", pour citer encore Louis Bréhier. Si la succession par voie héréditaire ou quasi héréditaire est une réalité largement établie dans la pratique et dans la conscience byzantines, au moins depuis une certaine époque, au point même de créer une notion de"légitimité dynastique", celle-ci n'est jamais devenue dans l'Empire d'Orient une institution ou une nécessité constitutionnelle". C'est "le caractère providentiel du pouvoir" voire "le caractère démocratique" de l'avènement à l'Empire qui «explique à Byzance aussi bien qu'à Rome l'absence d'une loi de succession au trône»[24]. Théoriquement tous les citoyens orthodoxes de l'Empire peuvent avoir des aspirations au trône - même les femmes n'en sont pas exclues; Byzance, profondément romaine en matière de droit, n'a jamais connu de "loi salique". C'est ainsi que jusqu'à la fin de l'Empire, l'avènement du nouvel empereur est resté, de ce point de vue juridique voire "constitutionnel", une procédure "démocratique" et "laïque", où la volonté de la Providence se manifeste pour le consentement unanime des trois facteurs "constituants" de l'Empire: du peuple, du sénat et de l'armée. «La doctrine de la délégation à un chef de la souveraineté du peuple a survécu à Byzance, bien, l'exercice de cette souveraineté se réduise à des acclamations»[25]. C'est le seul rituel ("proclamation": anagoreusis ou anarrhèsis) qui soit "constitutionnellement" nécessaire pour l'accession au trône impérial. On sait que l'église y assume aussi, peu a peu, un rôle important par le couronnement et, à une époque très tardive, l'onction du nouvel empereur. Il est vrai, que le rituel ecclésiastique tendait à prendre, au cours des derniers siècles de la vie de l'Empire, une importance de plus en plus croissant, particulièrement dans la conscience populaire et au niveau sentimentale. Certainement cette, évolution renforçait aussi la position institutionnelle de l’Eglise qui avalait le rô1e principal dans ce rituel: c'était un privilège dont le patriarche constantinopolitain à toujours revendiqué l'exclusivité - une exclusivité qu'il devrait partager seulement avec le pontife romain, si ce n'était le schisme. mais on connaît bien que le couronnement, malgré son importance, surtout pour ce qui est de la psychologie populaire, ne fut jamais introduit, jusqu'à la fin de l'Empire. comme élément constitutif pour l'accession au trône impérial - l'onction non plus, et a plus forte raison. En tout, état de cause la cérémonie du couronnement impérial n'a pas connu de développement important dans le domaine proprement liturgique[26].

L'extension voire la généralisation de l'emploi du cérémonial de couronnement ou plutôt de mariage impérial ne serait pas le seul vestige, de ce genre, du caractère "démocratique" inhérent a l'Empire. ne fût-ce qu'à l'état latent, voire du caractère "impérial" qui appartient au peuple romain, et dont serait, théoriquement, investi chacun des citoyens.

On en voit, par exemple, un vestige dans le rôle des factions de l'hippodrome (les dèmes) lors de la célébration de l'Anniversaire de la fondation de Constantinople, le 11 mai - dix jours avant la fête de saint Constantin, le 21 mai. Pour citer le grand spécialiste en la matière, Gilbert Dagron: «tout nous conduit à penser que les jeux du 11 mai ont été conçus comme un rituel de renouvellement dynastique et comme une sorte de contrat mystique liant l'empereur au peuple de sa ville... Même lorsque cette tradition s'est affadie, le Livre des cérémonies [de l'empereur Constantin VII Porphyrogénète (912-959)] nous avertit que la faction la plus populaire, celle des Verts, garde le 11 mai une prééminence qui lui est refusée aux autres fêtes. Ce jour-là le peuple de Constantinople devait se sentir plus particulièrement l'héritier de la victoire constantinienne et de la légitimité impériale»[27]. On nous dit, en effet qu'à l'origine ces représentants du peuple, les chefs des factions (les démarques), portaient, ce jour-là, des vêtements presque impériaux – «dont Tibère s'inquiète et qu'il fait proscrire» d'assez bonne heure à la fin du VIe siècle[28]. Or, même ainsi, dans les acclamations des factions lors de l'anniversaire de la Ville, d’après le Livre des cérémonies, on peut encore discerner cette idée de partage de la légitimité impériale avec le peuple, de sa participation à l'Empire. Le peuple crie: «La foi des empereurs est victorieuse, la foi des impératrices est victorieuse, la foi de la Ville et des Bleus (ou: des Verts) est victorieuse!» (Nik´ ¹ p…stij tîn basilšwn, nik´ ¹ p…stij tîn Aùgoustîn, nik´ ¹ p…stij tÍj Pòlewj kaˆtîn Benštwn/Pras…nwn)[29] – pratiquement sur un pied d'égalité.

Un autre exemple plus récent. On sait que l'une des prérogatives plus importantes de l'empereur byzantin, au niveau d'idéologie politique, a toujours été la commémoration de son nom au cours des services religieux de l’église orthodoxe, même dans des régions qui ne rêvaient pas - ou ne relevaient plus - de son pouvoir, marque du caractère supraterritorial et universel de l'Empire. Or, après la prise de Constantinople, dans la pratique liturgique, les commémorations prévues pour "l'empereur pieux" ont été ordinairement remplacées par une commémoration des "chrétiens pieux et orthodoxes" – une évolution qu'on peut facilement suivre à travers les manuscrits liturgiques de la période ottomane. De la même manière, dans la liturgie pontificale. l'acclamation solennelle: "Seigneur, sauve les pieux empereurs" a été écourtée en: "Seigneur, sauve les pieux" – soit pour faire allusion à la "vacance" de la dignité impériale des Romains soit en se référant directement au peuple chrétien orthodoxe comme son véritable dépositaire – dépositaire de la continuité et de la perpétuité impériales. On dirait: une survivance latente ou sous-jacente, à travers le siècles, du concept juridico-politique de la souveraineté du populus romanus. En termes de théorie politique ou "constitutionnelle" romaine: l'imperium, qui appartient au peuple romain", est, á l'absence d'empereur, simplement et automatiquement restitué à ce peuple - déguisé maintenant sous le nom du corps ecclésial.

Et saint Constantin?

C'est cet aspect particulier. et quelque peu ignoré, du culte de saint Constantin et de sainte Hélène dans l'Eglise d'Orient (les deux saints sont fêtés et commémorés toujours en commun) que nous désirons évoquer ici. Les deux saints sont un peu considérés comme les protecteurs du lien conjugal et de la famille chrétienne!

a) Au cours de la célébration nuptiale "la bienheureuse Hélène" est spécialement évoquée: Kaˆ Ÿlqoi ™p/aÙtoÝj ¹ car¦ ™ke…nh, ¼n œscen ¹ makarˆa 'Elšnh Óte eáre tÕn t…mion staurÕn (Superveniat illis gaudium illud quod affecta est beata Helena cum pretiosam crucem advenit)[30].

b) A la bénédiction finale (apolysis, "dimissio") de l'office de mariage les deux saints sont particulièrement invoqués pour la protection des jeunes mariés: ta‹j presbe…aij...tîn ¡g…wn qeostšptwn Basilewn kaˆ „sapostÒlwn Kwnstant…nou kaˆ 'Elšnhj (intercessionibus ...sanctorum divinitus coronatorum regum et apostolis aequalium Costantini et Helenes)[31]. Jacques Goar fait remarquer cette fonction spéciale des saints protecteurs du mariage: «Costantinum autem et Helenam ut privatos sibi a caelo datos protectores, hic vero ut coniugio insignes, Graeci invocant»[32].

c) Comme l'office de mariage ne comporte pas d'hymnes propres, on y insère souvent traditionnellement, pendant la célébration nuptiale, des hymnes empruntées à d'autres offices de la liturgie. Or, selon un usage liturgique assez répandu, confirmé aussi par un bon nombre de manuscrits[33], les deux hymnes principales de la fête de saint Constantin (21 mai), le kontakion et surtout l'apolytikion, le "tropaire" typique ou caractéristique de la fête, sont parfois chantées au début de la célébration du mariage[34].

Apolytikion: «Ayant vu dans le ciel l'image de ta Croix et ayant reçu, comme Paul, un appel qui n'était pas d'origine humaine, l'empereur devenu Ton apôtre, Seigneur, a confié la ville impériale en Tes mains. Garde-la toujours dans la paix, par l'intercession de la Théotokos. Et aie pitié de nous (ou: Toi, le seul philanthrope)».

Kontakion: «Aujourd'hui Constantin avec sa mère Hélène nous montrent la Croix, le Bois très vénérable, qui est la honte de tous les Juifs, mais pour les souverains fidèles leur arme contre les ennemis; car elle s'est révélée pour nous un grand miracle redoutable dans les guerres»[35].

Curieuse fonction réservée à ces saints, qui. tous les deux, ne, sauraient jamais être regardés, en tout état de cause, comme des exemples d'heureuse vie familiale ni comme des modèles de vie conjugale...

Les Byzantins, bien qu'ils ne le disent pas souvent, ont, semble-t-il, pleine conscience des péripéties de la vie familiale de Constantin - réelles ou légendaires; l'histoire de la mort de son fils, par la concubine Minervina, le césar Crispus (exécuté à Pola en Istrie avant le 18 juillet 326), de la mort aussi, violente ou accidentelle (avant cette date), de la seconde femme de Constantin. Fausta, la fille de Maximien. C'est surtout le récit, "palen" de Zosime qui sert de texte de base: les deux "meurtres" (?) y sont associés dans une seule histoire d'amour et de vengeance, calquée sur la fable d'Hippolyte et de Phèdre. Bien que des auteurs chrétiens "dès l'époque de Cyrille d'Alexandrie, de Sozomène ou d'Evagre, [aient] réfuté ces allégations qui ternissaient l'image de saint Constantin, en les qualifiant de mensongères et en les attribuant parfois aux ariens", la tradition chrétienne n'a pas définitivement rejeté le prétendu noyau historique du récit: Parastaseis syntomoi chronikai, § 7, dans les Patria Constantinopoleos (éd. Th. Preger, Scriptores originum constantinopolitanarum, Leipzig 1901-1907, p. 23-24). sans mentionner explicitement l'histoire des amours de Fausta et de Crispus. Un remanieur du Xe siècle, dans les Patria (II _§ 93) fait même entrer ce dernier élément dans la narration; il fait même de Fausta la mère propre de Crispus [appelé ici: Crescens]: di¦ tÕ e„j Øpoy…an ™lqe‹n ™pˆ FaÚstV tÍ mhtrˆ aÙtoà (éd. Preger, 200-201). Mais les narrations chrétiennes ne reprennent pas l'accusation formulée par Zosime contre sainte Hélène comme instigatrice du meurtre de Fausta[36]; en revanche, ils attribuent à Hélène, la pénitence de Constantin, tout au moins pour ce qui est de la mise à mort de Crispus: (éd. Preger, ibid.). En effet les auteurs chrétiens, loin de réfuter la narration traditionnelle, y ont vu plutôt un exemple de la puissance de la pénitence (qui plus est: des effets du baptême!) - ce qui ne va pas beaucoup à l'encontre de l'interprétation de Zosime: "L'âme de l'empereur est alors en proie au remords; il s'adonne au christianisme comme à la seule religion qui accorde le pardon de crimes aussi odieux. Il renie le paganisme de ses pères" et "comme il ne supportait plus les injures qu'on lui adressait pour ainsi dire de toute part, il chercha une ville qui fût le contrepoids de Rome et où il pût établir le siège de son Empire", même si, comme le fait signaler Gilbert Dagron, «l'explication psychologique de Zosime repose sur une erreur chronologique»[37]. On a aussi parfois proposé des raisons politiques pour justifier le double meurtre: ce serait la raison d'etat, sans doute une conspiration contre le pouvoir impérial, et non pas des considérations d'ordre personnel voire une vengeance personnelle, qui se trouve derrière ces actes...

Les sources ecclésiastiques byzantines connaissent aussi la vérité quant aux réalités peu exemplaires de l'état personnel et familial de sainte Hélène, celui de concubine ou de femme "semi-légitime", par la suite répudiée - bien qu'elles le disent encore moins souvent. Un liturgiste grec de nos jours souhaitait, il y a une trentaine d'années, que l'usage au moins de chanter des hymnes de saints Constantin et Hélène au cours de la cerimonie nuptiale, un usage qui relève de la simple coutume qui ne se trouve pas dans les livres liturgiques officiels, ne fût pas encouragé: «le rapprochement qu'on essaie y faire est tellement curieux et recherché», dit-il [38]. En fait, dans la région d'Athènes cet usage, si jamais établi, a depuis longtemps été oublié.

Comment donc cette fonction de protecteurs du mariage a-t-elle été attribué à nos saints?

Des synaxaires (ou Vies de Saints) ont essayé faire des allusions à des réalités historiques: «Par la suite, [Constantin] encouragea l'institution de la famille, comme base de l'édifice social, en limitant le divorce, condamnant l'adultère et en légiférant sur les droits d'héritage... [il] soutenait les veuves et se faisait le père des orphelins»[39]. Mais il s'agit plutôt là de constructions ou d'interprétations récentes ou modernes, ignorées, semble-t-il, de la tradition byzantine.

Il ne faut pas voir ici non plus ce que Gilbert Dagron a ingénieusement remarqué. Hélène se serait substituée, dans la conscience collective byzantine, à une épouse chrétienne de Constantin, qui faisait défaut, mais dont la présence était nécessaire dans l'ordre des choses: «Hélène, à laquelle le Constantin de la légende se trouve finalement associé comme à une épouse dans la fondation de Constantinople et dans la sainteté, ajoute à cette histoire une dimension supplémentaire et conduit à interpréter cette élimination du fils et de la femme au profit de la mère comme une régression aedipienne»[40]. A plus forte raison, on la ne saurait voir ici un véritable malentendu historique qui eût fait vraiment d'Hélène épouse de Constantin: les représentations iconographiques fréquentes des deux saints en "couple" hagiographique, le culte commun, auraient été théoriquement da nature à créer un tel gros malentendu dans la conscience populaire, mais il n'en existe pas, autant que je sache, da traces, et, en tout cas, cela ne saurait pas se produire dans la liturgie de mariage.

Ce n'est donc pas dans le caractère proprement "matrimonial" da la célébration nuptiale qu'on devrait placer l'invocation de la protection des saints Constantin et Hélène, mais plutôt au caractère "impérial" de la célébration, que nous avons essayé de décrire. Les saints, premiers empereurs chrétiens da l'Empire chrétien, empereurs "couronnés par Dieu" (theosteptoi), sont invoqués presque naturellement dans une cérémonie da fort caractère "impérial", laquelle consiste essentiellement dans le "couronnement" quasi impérial ou royal du jeune couple.

 

 

 



 

[1] Un rituel analogue, à savoir une sorte de «messe des présanctifiés» privée voire personnelle, réduite au minimum, est prévu pour la communion des malades. Dans les deux cas on devrait placer les espèces eucharistiques présanctifiées (le pain consacré et du vin) sur l’antimension ou autel portatif et en opérer l'élévation par l'acclamation liturgique: Ta (prohegiasmena) hagia tois hagiois ("Praesanctificata sancta sanctis" ou, d'après Jacques Goar, Praeconsecrata sancta sanctis): J.Goar, Euchologion sive Rituale Graecorum, (Paris 1647), 2Venise 1730, p. 162, 168. Voir P.N. Trempélas, MikrÕn EÙcolÒgion, Athènes 1940, 21998, p. 21-24; 68-72. Sur l'emploi des présanctifiés au cours de la célébration nuptiale, comme pratique courante encore au XVe siècle, voir Syméon de Thessalonique: (PG 155, col. 507).

 

[2] Goar, p. 314 (-325); Trempélas, p. 47 (-102).

 

[3] Goar, p. 317-318; Trepélas, p. 29-31, 63-64. - Dans une tradition secondaire: Et coronat eos dicens. Coronatur sevus Dei N. incorruptionis corona, in nomine Patris... eodem pacto coronatur et femina (Goar, p. 321-322). Cf. Trempélas, p. 61 cf p. 64.

 

[4]. Goar, p. 317; Trempélas, p. 58

 

[5] Goar, p.  319; Trempélas, p. 71.

 

[6] Goar, p. 317; Trempélas, p. 60. Dans une tradition secondaire: Corona illos tua gratia (Goar, p. 321-322). Cf. aussi kaˆ par£scou to‹j doÝloij sou toÚtoij...tÕn ¢mar¢ntinon tÁj dÒxhj stšfanon. Et famulis tui immarceSsibilem gloiae coronam praebe [I Pierre 5.4] (Goar, p. 316; Trempélas, p. 55).

 

[7] Goar, p. 320; Trempélas, p. 78.

 

[8] Goar, p. 321.

 

[9] Goar, p. 325-326; Trempélas. p. 80-81 cf. p. 77-78. Encore une allusion biblique à un "couronnement": KÚrie Ð qeÕj ¹mîn Ð toà ™niautoà tÕn stšfanon eÙlog»saj...(Ps. 65 [64]. 12: "Tu couronnes l'année de tes bontés", Vulgate: benedices coronae anni benignitatis tuae). Voir aussi infra n. 22.

 

[10] Goar, p. 318 cf. p. 322 (infra n. ll); Trempélas, p. 29-31, 64 cf. p. 61

 

[11] Goar, p. 318; Trempélas, p. 65 cf, p. 61-62. - Dans une tradition secondaire c'est encore le verset Ps. 8.6 (DÒxV kaˆ timÍ ™tef£nwsaj aÙtoÝj) qui précède la lecture (prokeimenon): Goar, p. 322.

 

[12] Trempélas, p. 28, 62; J. M. Phountoulès, 'Apant»seij e„j leitourgi¦j ¢por…aj, I, Thessalonique 1973, p. 200.

 

[13] Trempélas, p. 28; Phountoulès, p. 200.

 

[14] Trempélas, p. 28-29, 52; Phountoulès, p. 200.

 

[15] Ou plutôt la première partie, jusque "ta droite" (Trempélas, p. 52); ces mêmes vers sont récités par l'évêque ou par des prêtres gratifiés de certaines dignités ecclésiastiques, lorsqu'ils portent l'épigonation, ornement, liturgique en forme de losange qui représente une épée schématique. laquelle équivaudrait à l'épée portée par des dignitaires militaires et civils d'un rang analogue: Goar, p. 48 cf. p. 98-90. A signaler que dans le grec des Septante, récité dans la liturgie grecque, ces vers comportent même explicitement le verbe: kaˆ basileue (vulgate: et regna), reproduit naturellement par Goar, mais faisant défaut dans sa traduction latine.

 

[16] Phountoulés, p. 200.

 

[17] . C. Kallinikos, `O cristianikÕj naÕj kaˆ t¦ teloÚmena ™n autù, Athènes?, p. 652, nouvelle éd. ( reimpr.2002), p, 514; Trempélas, p. 29.

 

[18] Kallinikos (nouvelle éd.), p. 514.

 

[19] Trempélas, p. 24-25, 29; Phountoulès, p. 200 "kat¦ t¾n ™pikratoàsa gnèmnh".

 

[20] Trempélas, p. 24; Phountoulès, p. 200: cod. Atheniensis Bibl. Nat. 662, 1910; Parisinus Coisl, gr. 213.

 

[21] Trempélas, p. 28; Phountoulès, p. 200.

 

[22] Interprétation plus simpliste par Kallinikos. p. 513: les couronnes seraient le symbole du pouvoir que le père de famille au le couple des époux exerceront désormais dans leur propre maison, sur leurs enfants et leurs domestiques (tÁj ™xous…aj kaˆ ¹gemon…aj ¼n ™n tù ˜autîn oŠkw ™pˆ tîn tšknwn kaˆ o„ketîn q¦ ¢sk»swsi).

 

[23] Le monde byzantin. 3. Les institutions de l’Empire Byzantin, Paris (11949) 21970, p. 49-75.

 

[24] Cf. ibid. p. 14-15, 21-41. - Sur ce sujet voir, en dernier lieu: I. Medvedev. "`H sunodik¾ ¢pÒfash tÁj 24 Mart…ou 1171 æj nÒmoj gi¦ t¾ diadoc¾ stÕ QrÒno toà Bizant…ou", Byzantium in the 12th Century: Canon Law, State and Society, ed. by N.Oikonomides, Athénes 1991, p. 229-238.

 

[25] ibid. p. 14.

 

[26] Cf. Goar, p. 726-730.- EÙc¾ ™pˆ prokeirˆsei basilšwj. Oratio in imperatoris inauguratione.

 

[27] G. Dagron, Naissance d'une capitale: Constantinople et ses institutions de 330 à 451, Paris 1974, 21984, p. 309.

 

[28] Cédrènos (éd de Bonn), I. p. 688; Dagron, Naissance, p. 309.

 

[29] éd. Vogt, Il, p. 149. Les chantres/crieurs interviennent ici pour "corriger" cette impertinence: "(La foi) d'un tel et un tel, les grands empereurs (est victorieuse), oui, dites-le: d'un tel et un tel, grands empereurs!". Le peuple se borne à répondre: oui, Seigneur viens à 1eur aide!".

 

[30] Goar, p. 317; Trempélas, p. 57-58.

 

[31] Goar, p. 320; Trempélas. p. 80. «Couronnés par Dieu- (theostepotoi) et Égaux-aux-Apôtres (isapostoloi)» sont les attributs constamment employés pour saints Constantin et Hélène dans toute la littérature ecclésiastique et liturgique byzantine.

 

[32] Goar, p. 325 n. 12. Dans cette bénédiction finale, à l'exception de l'invocation omniprésente de la Vierge et d'une invocation collective des Apôtres (invocation nécessaire, semble-t-il, puisque sont invoqués aussi saints Constantin et Hélène, leurs "égaux") et de tous les saints, un seul saint encore est explicitement invoqué: saint Procope. Contre d'autres constructions ingénieuses de Goar, une seule explication s'impose, avancée aussi par Goar: un jeu de mots à la byzantine, d'un goût qui nous semble aujourd'hui quelque peu discutable, avec prokoptein, progresser, prospérer et prokopè, progrès, prospérité. Cf.. toujours dans la cérémonie nuptiale: kaˆ par£scoi Øm‹n prokop¾n b…ou kaˆ p…stewjaugmentum vitae et fidei vobis exhibeat (Goar, p. 320 cf. 325 n. 12; Trempélas, p. 78-79).

 

[33] Atheniensis Bibl.Nat. 829: seuls les "tropaires" de saint Constantin; Atheniensis Bibl.Nat. S.64, Metochii S.Sepul. 8 et 615, Athous Pantocr, 149, Sinaiticus gr. 996: conjointement avec d'autres "tropaires".- Sur la pratique d'insérer des -"tropaires", de provenance diverse dans le rite de mariage: Phountoulès, p- 193-196 (N. 96). 199; cf. Trempélas, p. 100-101. Particulièrement sur les "tropaires" de saint Constantin: Phountoulès, p. 198-200 (N. 98-99)

 

[34] En principe, l'apolytikion est chanté au début du rite nuptial (Phountoulès, p. 198 N. 98); le kontakion au début du rite des fiançailles religieuses (Phountoulès, p. 198 N. 99), célébrées ordinairement (et même en Grèce aujourd'hui par nécessité juridique et canonique) juste avant la célébration du mariage et conjointement avec cette dernière ('Akoulouq…a ginomšne ™p„ mn»storoij ½goun toà ¢rrabînoj.. Ordo servasi solitus in sponsalibus celebrandis videlicet in nuptiarum subarrhatione: Goar, p. 310- 314; Trempélas, p. 34-46)

 

[35] Cette hymne, qui appartient à une époque postérieure, reprend un thème de l'office ce saint Constantin qu'il n'est pas facile d'interpréter: celui de Constantin défenseur du christianisme contre les Juifs. Ce serait là une réminiscence imprécise des Actes de saint Silvestre, où ce thème se rencontre aussi (cf. H. Delehaye, Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitana e codice Sirmondiano... adiectis synaxariis selectis = Propylaeum ad Acta Sanctorum Novembris, Bruxelles 1902, col. 366: bien que cette littérature n'ait joué qu'un rôle marginal dans l'établissement de la légende constantinienne byzantine. Voir, on dernier lieu. P. Andrist, "Les Objections des Hébreux): un document du premier iconoclasme?", Revue dles Etudes Byzantines, 57 (1999), 99-140, un article qui va beaucoup plus loin que son titre ne l'indique. Ou bien il s'agirait d'une continuation de la tradition des kontakia plus anciens, par excellence de ceux du maître du genre saint Romanos le Mélode (très probablement lui – même – d'origine juive), où on retrouve un fort esprit, d'anti-judaïsme. Il est vrai que nous ne possédons pas de kontakion de Romanos pour saint Constantin; mais il y a des références très importantes dans d'autres kontakia authentiques de ce grand poète. Ici encore Constantin n'est pas le successeur des empereurs romains, mais celui des grandes figures de l'Ancien Testament, légitime continuateur de la mission d'Abraham et de David, puisque le peuple d'Israël en est déchu: «Celui qui gouverne tous les siècles avec bonté, le Miséricordieux, dans son vouloir très sage, suscita l'empereur Constantin…, un homme de foi» comme successeur á «la race d'Abraham et à David... Il imita son ancêtre, il avéra sa filiation…». Comme Abraham a vaincu son ennemi à la tête d'une armée de 318 hommes fidèles (Gén. 14.14), de la même façon lui aussi, «l'empereur fidèle et vaillant» a vaincu les hérétiques athées par une armée de 318 guerriers (les Péres conciliaires de Nicée I) [cantique 23. 18 = 30. 18 "Hymne de l'Adoration de la Croix"]. Le peuple d'Israël, déchu, "est prive de son temple; mais nous, à sa place nous avons maintenant". dans ce même endroit, l'église de la Sainte-Résurrection et la sainte Sion, "dont Constantin et Hélène les fidèles ont fait don à l'univers" [cantique 54. 22 "Hymne sur le tremblement de terre et l'incendie"].

 

            [36] La phrase des Patria: di¦ tÕ e„j Øpoy…an ™lte‹n ™pˆ FaÚstV tÍ mhterˆ aÙtoà ne signifie pas: "parce que [Crispus] a éveillé les soupçons de la mère [de Constantin], à propos de [ses relations avec] Fausta", comme Gilbert Dagron comprend, semble-t-il, ce passage ("précise que les soupçons pesant sur Crispus venaient de Fausta et que cette dernière fut exécutée à l'instigation d'Hélène": Constanitinople imaginaire: Etudes sur le recueil des Patria, Paris 1984, p. 94), mais: "parce que [Crispus] a éveillé les soupçons [de Constantin; Cf. juste avant: lšgousin ¢pokefalisqÁnai ØpÕ toà patrÕj], à propos de [ses relations avec] Fausta, sa propre mère".

 

[37] G. Dagron, Naissance, p. 20. Voir l'analyse détaillée de ce sujet par Dagron, ibid., p. 19-22 et surtout Constantinople imaginaire, p. 93-97.

 

[38] Phountoulès, p. 199: 'Omologoumšnwj de eŒnai tÒso per…ergoj Ð suscetismÕj poÝ œgine kaˆ paratrabhgmšnoj, éste den q¦ hÜceto kaneˆj t¾n di¦dosi aÙtÁj pr£xeoj, Óso kaˆ ¥n ¹ eÙl£bei£ tou prÕj toÝj prètouj cristianoÝj basile‹j q¦ Ãtan meg£lh.

 

[39] Le Synaxaire. Vies des saints de l’Eglise orthodoxe, adaptation française par le hiéromoine Macaire de Simonos-Pétras, IV, Thessalonique 1993, p. (327-336) 334 (à titre simplement indicatif: plusieurs "améliorations" adoptées dans le texte traditionnel, additions modernes interpolées).

 

[40] Dagron, Constantinople imaginaire, p. 95.